Au-delà de la représentation

Photographe plasticienne c'est ainsi que Brigitte Massalve annonce son engagement dans les œuvres qu'elle produit, pratique qui n'induit aucune copie du réel mais travaille l'image par le décentrement, la disparition, l'indistinction, le flou, la résonance.

C'est dans cet espace d'un entre deux et dans l'intimité d'une sensation trouble qu'elle nous permet d'entrer, par l'écriture des traces qu'elle obtient au jeu contrarié d'une lumière perçante et d'une matière fluide dans laquelle va  pouvoir s'écrire et s'impressionner corps et souvenirs, visages et rêveries.

A la limite du visible, elle suggère plus qu'elle ne montre, elle déconstruit une présence de l'auteur qui, dans une juste humilité s'efface plus qu'il ne s'affirme. La transformation qu'elle opère par cet effet visuel de dilution du corps dans un environnement aqueux est-elle disparition ou apparition ? Cette fusion de l'un dans l'autre questionne et propose en effet au-delà de sa simple présentation, une sensation complexe quant à notre façon d'être au monde et se sert de l'outil photographique non pour en restituer une présence réelle du corps mais plutôt pour nous en révéler  ce que celle-ci permet d'interroger quant à notre propre conscience d'appartenance et d'inscription à ce monde.

Cette médiation de l'appareil photographique nous met à la fois en distance et en empathie avec le sentiment de notre extrême fragilité, qui en de subtiles nuances colorées et lumineuses nous placent dans la douloureuse et nécessaire question du sens même de celle-ci. Cette attitude est esthétique en tant qu'elle opère ce déplacement du regard vers un questionnement que l'on peut qualifier de philosophique, car nous mettant à l'épreuve de notre propre résistance face à toute violence du réel.

Evelyne Artaud
2022
Critique d'art - Curateur - Editeur

​